Jean-Yves DELOR

 

 

Jean yves delor 1

YVES DELOR
(12 juillet 1911-24 octobre 1941)

La rue de St Ciers, qui se dirige vers St Genis de Saintonge, porte le nom d' Yves Delor.

Qui était ce Yves Delor, dont les registres de l'Etat-Civil de la commune ne parlent pas ?

Qui était-il pour mériter qu'on donnât son nom à une de nos rues, alors qu'il est totalement inconnu des jeunes générations ?

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Son nom était si peu connu des habitants de St Ciers que même les plus anciens avaient des difficultés à donner une réponse éclairée à son sujet.

La vérité, ou plutôt l'histoire d' Yves DELOR, fût révélée officiellement le dimanche 24 octobre 2004 à St Ciers du Taillon.

Ce jour-là, la population avait été conviée par M. le Maire, P. Chérat, à assister à la cérémonie en souvenir de la mort d' Yves DELOR, en présence de M. le Député Beaulieu, de plusieurs Généraux, entourés de nombreuses sections d'anciens combattants, de médaillés de la Légion d'Honneur, de l'Ordre National du Mérite et d'autres personnalités.

Précédés de vingt porte-drapeaux, de l'Harmonie Cantonale et des officiels, les taillonnais ont quitté la place de l'église pour rejoindre le Monument aux Morts, en présence de Mme Jeanne Delor et son fils Jean-Michel, pour inaugurer la pose d'une plaque commémorative au nom de "Yves Delor".

Plaque delor

Pourquoi cette plaque commémorative ?
Pourquoi une telle cérémonie ?


Après la découverte de la plaque, le Général Maison déclara que, 63 ans ans plus tôt, soit le 29 octobre 1941, Yves Delor tombait sous les balles des Allemands au Camp de Souge, à l'ouest de Bordeaux.

Quelle était donc son Histoire ? Pourquoi cette fin dramatique, même si les évènements de l'époque faisaient que la mort devenait le sort de beaucoup de personnes, celles qui ne se comportaient pas en citoyens dociles de la France occupée.

Le Général Maison allait parler d' Yves Delor, membre de l'Organisation Civile et Militaire de la Résistance (O.C.M.R.), arrêté le 25 Juin 1941, interné jusqu'au 24 octobre 1941, date à laquelle il est mort glorieusement pour la France. Il précisa que son épouse Jeanne Delor poursuivit le combat de son mari dans la Résistance, au mépris du danger, et fut décorée de la Croix de Guerre 1939-1945 et de la Croix de Chevalier d'Honneur en Juillet 2003.

Yves Delor fut décoré, à titre posthume, de la Croix de Guerre avec Palme de la Médaille de Résistance et de la Médaille Militaire avec la mention : magnifique patriote.

 

Un article paru le Samedi 10 mars1945 dans L'Estuaire Girondin (Journal Républicain d'Informations Régionales), sous la signature de Paul Raboutet, traitait déjà de la vie brève et pathétique d' Yves Delor.
Cet article indiquait qu' Yves Delor, était né à Plassac (Gironde) le 12 Juillet 1911. Il y fit ses premières études à l'école communale, puis entra à l'Ecole Normale d'Instituteurs de St André de Cubzac et fut nommé en 1933 instituteur à Blaye.
Son service militaire accompli, il reprit son poste à l'Ecole de Garçons à Blaye où il se maria en 1936.
Mobilisé en septembre1939, il fit la guerre dans une formation de la Marine. Après l'armistice, il vint reprendre ses fonctions à Blaye.

 

Domicile yves delor a blaye 1

son domicile à Blaye jusqu'à fin 1940

 


En décembre 1940 il est "dénoncé" par un certain Paul MOREAU, ancien responsable des Croix de Feu, au Préfet de Gironde pour activité communiste et pour l'aide apportée aux républicains espagnols (témoignage du Capitaine des Douanes Latour, beau-père de Yves Delor, rendu public en avril 1953 alors que le délateur se présentait aux élections d'une commune du Blayais, Yves Delor fut l'objet d'une sanction disciplinaire administrative et déplacé à St André de Cubzac. Estimant cette mesure injustifiée, il refusa de se plier à l'ordre de Vichy. Il fut alors révoqué de ses fonctions par arrêté préfectoral du 02/01/1941.

Il entre alors, comme comptable, chez M.Rémi Vias à St Ciers du Taillon.

 

Fiche police jean yves delor 1

sa fiche de Police

 

En réalité d'étiquette politique, Yves Delor n'en avait et n'en voulait aucune. Il n'était qu'un républicain et un laïque, dans tout ce que ces termes représentent de noble et de pur. A ce titre, il appartenait à la Ligue des Droits de l'Homme et du Citoyen où son activité n'avait d'autre but que la défense des faibles et des opprimés.

Nous remarquons que cet article ne parle nullement des activités de résistant d' Yves Delor.
Nous pouvons supposer que le journaliste n' a pas eu connaissance de cette partie cachée de la vie d' Yves Delor, où qu'il a sciemment occulté ce sujet par manque d'éléments concrets; attitude surprenante de la part d'un journaliste qui écrivait au sortir de la guerre, et qui donc mettait beaucoup de lyrisme à traiter de la tragédie que venait de vivre les Français, au détriment de la précison historique.

L'aticle continue ainsi dans la généralité des propos......

 

Ayant quitté la Gironde, Yves Delor pût croire un instant qu'il allait être hors d'atteinte des calomnies.

Il ne savait pas qu'il allait être la victime des agissements d'un certain  Commissaire Pierre Poinsot.

Ce natif de BOUXIERES aux Dames (Meurthe et Moselle) est l’aîné des 3 garçons de la famille. Il est titulaire du Brevet d’Etudes et à 19 ans s’engage dans l’Armée de l’Air à Casablanca et devient sous-lieutenant pilote.

En 1930 retour à le vie civile et par concours entre dans la police du Protectorat du Maroc. Il demande sa mutation pour la police nationale, ce qu’il obtient.

En 1938 il est affecté à BORDEAUX, à la Police Spéciale de la sous-préfecture et réside au 4 cité Charlemagne.

Nommé ensuite au commissariat de la gare Saint Jean avec comme adjoints les inspecteurs LAFFARGUE et LANGLADE. Ce sont 3 chasseurs de communistes : adhérents, sympathisants ou militants.

Pierre POINSOT est viscéralement anti-communiste, anti Gaulliste et n’a qu’un objectif une réussite sociale au plus haut niveau. 

Il crée le SAP3, composé d’une vingtaine d’hommes, dont 15 inspecteurs et de ses 2 frères Henri et Jean.

Ce SAP pourchasse, arrête, torture, interroge (travail musclé des inspecteurs CELERIER, EVRARD, LANGLADE et TOURNADOUR), établit une pré-liste de fusillés avec l’aide de collaborateurs et d’indicateurs, comme Jacques PIQUET, Ferdinand VINCENT et Pierre GIRET.

Ce seront plus de 2 000 hommes qui passeront entre leurs mains, dont 250 membres de l’OCM.

De Novembre 1940 à Janvier 1942, 428 communistes seront arrêtés.

En Février 1942 Darnand l’invite à rejoindre VICHY où il deviendra l’adjoint de Jean DEGANS chef du 2éme service de la milice française (créée le 30 janvier 1943).

Janvier 1944 : il est nommé sous-directeur des RG de VICHY, ses adjoints seront CELERIER et TOURNADOUR venus aussi de BORDEAUX.

Pierre POINSOT sera arrêté le 28 Avril 1945, en voulant passer en SUISSE, il a en poche : 35 000 francs suisse, 70 000 francs et 2000 $.

Sa femme est arrêtée à DIJON le même jour, avec 300 000 francs.

Plus tard on découvrira son carnet, son registre où sont consignés le nom de 900 fusillés.

Pierre POINSOT au service de la Gestapo portait le n° matricule KDS 912.

Condamné à mort il est exécuté à RIOM en Juillet 1945.

 

Le 24 juin 1941, la Gestapo vint l'arrêter à St Ciers du Taillon comme "individu dangereux pour la sécurité de l'Etat".

Raymond Combas (le père de l'auteur) avait alors 11 ans. Il n'a jamais oublié le moment où deux voitures foncées (des Traction Citroën) ont traversé le bourg pour aller chez son employeur Rémi VIAS puis sont allés "cueilleir" Yves DELOR dans un champ situé à la sortie du bourg en direction de Lorignac.   

Les habitants de Saint Ciers ne reverront plus jamais cette personne si discrète et aimable.


Yves Delor fut aussitôt conduit au camp de rétention de Jonzac. De là il fût transféré à la prison de Saint Martin de Ré par arrêté de la Préfecture de Charente-Maritime, puis à la prison du Fort du Hâ à Bordeaux.

Le fort du ha 1930 Cour

Le Fort du Hâ à Bordeaux

Iil fut fusillé au camp militaire de Souge, le 24 octobre suivant, avec cinquante autres otages, en représailles à l'assassinat à Bordeaux du commandant allemand Reimers. Il était le 35ème. Leurs corps furent enfouis sur place,en pleine terre, dans un lieu appelé aujourd'hui "Première enceinte".

La nouvelle de son exécution fut annoncée à son épouse sans ménagement par le Maire de l"époque.
La population de St Ciers a été très marquée par son arrestation et sa mort (plusieurs taillonnais se souviennent encore de cet évènement), d'autant plus qu'il était connu pour être très aimable et serviable envers les gens qui devaient s'acquitter de formalités administratives, ''remplir des papiers" disait-on alors.
Son souvenir fût perpétré par son épouse qui, après avoir fait preuve d'un courage exemplaire pendant sa captivité, notamment en sollicitant à plusieurs reprises l'autorisation de lui rendre visite, le remplaça dans ses activités de comptable pendant un peu plus d'un an puis dans la Résistance.

 

La ville de Blaye lui rendit aussi hommage en donnant son nom à une rue proche de celle où il résidait jusqu'à fin décembre 1941.

 

Rue yves delor a blaye

 

                                                                                              

                                                                                                                         Sources :  https://cprd-landes.org/biographies/poinsot-pierre-napoleon/

                                                                                                                                           https://www.fusilles-souge.asso.fr/en-savoir-plus-fusilles-souge/appareil-repressif/

 

 

Gif pagesuiv