Printemps-été 2002
Pierre BOYVEAU-LAFFECTEUR
Il s'agit de Pierre Boyveau qui par la suite s'appela Boyveau-Laffecteur, Laffecteur étant le nom d'un de ses associés.
Il naquit à St Ciers. Ce médecin jouissait d'une célébrité universelle grâce à un remède dont il fut l'inventeur. Il a publié quelques ouvrages de médecine. Le Docteur Boyveau est mort à Paris, rue de Varenne, sa résidence habituelle, en 1812. C'est là tout ce qu'en dit Rainguet, dans son livre sur l'arrondissement de Jonzac, en 1864.
Paul Robert, le père de Louise Robert, avait recherché l'origine de Boyveau-Laffecteur qui, jusqu'alors était restée obscure et incertaine. Il a pu apporter de nombreux éléments, en 1946, dans la revue de Saintonge et d'Aunis. Voici ce qu'il écrit:
"A la fin du règne de Louis XVI, ayant eu son heure de célébrité par l'application et la vulgarisation de son remède, connu sous le nom de "Rob anti-syphilitique de Boyveau-Laffecteur", des confrères lui ont consacré des articles parfois élogieux, souvent sévères, toujours intéressants à lire".
Boyveau, ayant expérimenté son Rob avec succès devant une commission où il n'entrait que des médecins, obtint, le 27 Septembre 1794, du Comité de Salut Public de Paris, la possibilité d'exploiter son remède. Par la suite, il se livra à une publicité habile, que quelques uns ont qualifiée de charlatanesque. Il faut laisser au corps médical le soin de se mettre d'accord sur l'efficacité de ce remède depuis longtemps abandonné et l'opportunité de la propagande imaginée par Boyveau-Laffecteur.
Un rob, en terme de pharmacie, est un suc dépuré d'un fruit cuit avant qu'il n'ait fermenté, et épaissi jusqu'à consistance de miel.
Il existe toute une polémique au sujet de la date et du lieu de naissance de Pierre Boyveau
que certains font naître, en plus de St Ciers, à Paris ou à La Rochelle.
Paul Robert a consulté les registres paroissiaux de notre commune. Il a pu établir l'ascendance de Pierre Boyveau depuis le décès de François Boyveau en 1693 à St Ciers où il est né.
Le père de Pierre Boyveau, Jean-Louis Boyveau, est né à St Ciers le 14 Septembre 1715. Il est marié à Marie Bonfils dont la profession est inconnue. Ils ont eu onze enfants, dont neuf sont inscrits sur les registres paroissiaux de St Ciers. Pierre est le troisième dans l'ordre des inscriptions écrites par le prieur lui-même. Le texte est le suivant:
"Le 22 Décembre 1743, je soussigné, ay baptisé Pierre, fils de Marie Bonfils et de Jean Boyveau, que l'on dit être mariés ensemble, et ce, par Sylvain, curé de Sainte Eulalie, au diocèse de Bordeaux, la dite Marie Bonfils et Jean Boyveau, religionaires, habitant dans cette paroisse et ayant fait apparoir un certificat d'impartition nuptiale, le dit certificat paraissant faux, en ce que l'écriture est contrefaite et en mauvais termes".
Les autres actes de baptême des frères et soeurs de Pierre Boyveau sont rédigés dans les mêmes termes, sauf celui de Marie (20 Décembre 1745) dans lequel le prêtre ajoute que le certificat de mariage présenté est "manifestement faux" car il n'y a jamais eu de curé à Sainte Eulalie, portant le nom de Sylvain.
Les Boyveau étaient protestants. On peut se demander aujourd'hui pourquoi, pratiquant cette religion ils ont , en général, présenté leurs enfants au baptême du prêtre. Paul Robert était notaire. Il ajoute: "Nous comprendrons la raison de cette situation, qui semble une anomalie, en nous rappelant l'Edit précédent de Louis XV, prescrivant que tout enfant qui ne serait pas baptisé à l'Eglise serait considéré comme enfant naturel et, plus tard, n'aurait pas droit de participer à la succession de ses parents".
Aucun doute ne peut subsister sur l'origine du Docteur Pierre Boyveau, si l'on consulte cette fois le registre de l'Etat-Civil protestant de Pons, sur lequel on retrouve parmi d'assez nombreux Boyveau, à la date du 9 Octobre 1786, la bénédiction du mariage de François Boyveau, médecin à St Genis, frère de "Pierre", avec leur cousine Bénigne Boyveau, fille de René Boyveau, aussi médecin à St Genis, et quelques années plus tard, l'acte de leur fils "Pierre Bajazet" né le 9 Mars 1791, qui a pour parrain son oncle Pierre Boyveau, "médecin à Paris".
Au XIXème siècle, il y eut dans la famille Boyveau une véritable héroïne de roman historique et certaines personnes apprécieront sans doute le Post Scriptum ajouté par Paul Robert au compte-rendu de ses recherche:" Devons-nous rappeler ici l'existence romanesque de Frédérica Boyveau, petite fille du Docteur François Boyveau, née à Bordeaux le 27 Avril 1832. Elle était, jeune fille, d'une grande beauté. Elle fut un jour remarquée par un "prince charmant", un véritable prince *, celui-là, de la maison régnante des Bourbon Sicile, de passage à St Genis, qui la décida à le suivre à la Cour de Naples où il y eut entre eux un mariage morganatique. Revenue plus tard en France, après la mort de ses parents, Frédérica Boyveau est décédée sur le domaine de l'Ermitage près de Montendre, où elle s'était retirée avec son frère, inhumée dans leur caveau de famille à St Genis.
* Prince de Capoue. Il avait de nombreux frères et soeurs et était le frère de la Duchesse de Berry qui, revenue d'exil en 1832, chercha à assurer la couronne à son jeune fils, le futur Comte de Chambord. D'où l'appel aux Armes qu'elle lance du Château de Plassac le 24 Mai.
Cet appel a peu d'échos et ses partisans sont rapidement écrasés. Elle est internée à Blaye jusqu'au jour où le Gouvernement l'estime déshonorée par la naissance d'une fille dont on ignore le père.
Frédérica Boyveau, fille du Maître de Poste, avait rencontré le Prince de Capoue lors du séjour de la Duchesse de Berry à Plassac.
Octobre 2006
Complément par Jacky Combas
|
Pour se faire une idée assez précise du contexte historique et médical de l'époque,
il convient de consulter
le Dictionnaire des Sciences Médicales édité en 1820 par une Société de Médecins et de Chirurgiens des plus réputés.
|
.Un de ces médecins, le Docteur Fournier-Pescay signe un très important article ainsi intitulé: Rob antisyphilitique de Laffecteur
Mon propos n'est pas de reproduire in extenso cet article mais d'en retirer la matière la plus instructive.
Ainsi, le Docteur Fournier-Pescay écrivait....
"La réputation dont jouit ce remède dans presque toutes les parties du monde civilisé exige qu'on lui consacre ici un article spécial. La puissance du rob, contre les affections syphilitiques les plus graves et les plus alarmantes, a été, depuis plus de cinquante ans, tant de fois constatée, dans tant de lieux divers, qu'il n'est plus permis aujourd'hui de mettre en question si ce remède peut être considéré commu un des moyens les plus utiles que possède l'art de guérir. Peu de médecins ont autant manié ce médicament que l'auteur de cet article; une juste défiance de tout remède secret le fit longtemps hésiter d'en conseiller l'usage; mais plusieurs succès éclatants, qu'il eut l'occasion de remarquer, vainquirent sa répugnance, et depuis près de vingt-cinq ans qu'il prescrit le rob à ses malades, il ne l'a jamais vu échouer, qu'une seule fois, sur plus d'une centaine de sujets..../...../....
Il convient de tracer ici, en peu de mots, l'histoire d'un médicament si remarquable. Le rob antisyphilitique fut composé vers 1764 par feu Boiveau, qui avait étudié la pharmacie, et qui, jeune encore, avait servi dans la Guerre de Sept Ans en qualité de pharmacien.
L'auteur distribua son remède sous le nom de Laffecteur, qu'il crut devoir substituer au sien, nom qui lui fut concédé par celui à qui il appartenait réellement, moyennant une somme annuelle; et ce ne fut qu'à l'époque de la révolution, et lorsque la fortune du rob était déjà faite, que Boiveau reprit son nom de famille, auquel il continua d'associer celui de Leffacteur, devenu célèbre dans les fastes de la syphilis..../.../...
Ceux des médecins qui ont personnellement connu Laffecteur, ceux qui savent combien il était jeune et peu instruit dans les sciences médicales, à l'époque où il commença à prescrire l'usage de son remède, doutent que celui-ci soit le résultat de ses recherches, et lui contestent l'honneur de l'avoir découvert. Quoiqu'il en soit des circonstances qui rendirent Laffecteur possesseur de la composition du médicament qui nous occupe, il est constant que nul, avant lui, n'avait employé, contre la syphillis, de moyens analogues à celui dont il se dit l'inventeur..../..../....
En conséquence Boiveau, ou plutôt Laffecteur (car c'est sous ce dernier nom qu'il se fit connaitre), se présenta en 1776 à l'Intendant de Paris pour lui demander des commissaires, afin de constater, par des expériences, la propriété antisyphilitique de son médicament."
Une première épreuve se fit aux casernes de Saint-Denis, sous la direction de Poissonnier Desperrières et de M. Lebreton, chirurgien très distingué de la capitale. Tous les malades qui avaient été choisis parmi les plus dangereusement atteints furent parfaitement guéris à l'époque fixée, d'avance, par l'auteur du remède.
"Après cette épreuve, on crut devoir en tenter une nouvelle sur un plus grand nombre de sujets, et l'on choisit à Bicêtre, douze malades qui se trouvaient dans un état déplorable, et sur lequels tous les remèdes connus avaient été vainement essayés, les commissaires chargés de surveiller l'expérience étaient des hommes qui offraient les garanties les plus satisfaisantes tant sous le rapport du savoir que sous celui d'une probité sans tache: Ce furent MM. Borie, Geoffroy, Poissonnier Despierrières, Darcet, Paulet, Vicq d'Azyr, Charles Leroy, Andry, Bucquet, Mauduyt et Vernier.
Les douze malades ayant été radicalement guéris, le rapport des commissaires fut unanime en faveur de la bonté du remède.".
Une troisième et dernière épreuve, menée par la Société Royale de Médecine de Paris, prouva l'efficacité et l'innocuité du remède. "Un succès aussi éclatant fut suivi du rapport dont voici les conclusions. la Société pense :
- que le rob du sieur Laffecteur, tel qu'il a été préparé, ne contient point de mercure
- que le remède et la méthode de Laffecteur peuvent guérir les maladies vénériennes confirmées et désespérées
- que cette méthode n'exclut pas les traitements particuliers accessoires, les précautions et les modifications relatives aux circonstances qu'il est impossible de désigner et qui doivent être laissées à la prudence du médecin......etc...
Dès lors, les succès du rob antisyphilitique s'accurent rapidement. Laffecteur, en 1781, fut chargé de fournir son remède pour le service des hôpitaux de la Marine et des vaisseaux de l'Etat. Les praticiens n'hésitèrent plus à l'administrer dans les cas les plus désespérés; et le succés a constamment justifié leur confiance."
|
|
Le succès de son remède sera officialisé par la frappe d'une médaille en 1800.
La gravure fut réalisée par le célèbre graveur Montagny.
|
Il laisse les ouvrages suivants:
- Traité des maladies vénériennes et Méthode de leur guérison par le rob antisyphilitique
- Recherches sur la méthode la plus propre à guérir les maladies vénériennes (1789)
- Traité des maladies vénériennes anciennes et modernes
- Observations sur les effets du Rob Anti-Syphilitique (1785).
Le Docteur Payenville, spécialiste des maladies vénériennes à l'Hôpital de Rouen dans la première moitié du XXème siècle, a écrit sur Laffecteur:
"Il eut l'approbation d'un roi, d'une république, et même d'un empereur; c'est dire le prestige dont il a joui".